▽ WAIT THEN AS MY HEART DROPS. (ended)

I know I have a fickle heart and bitterness
and wandering eyes and a heaviness in my head.
© by adele

« Arrête de me fixer comme ça, tu veux ? » L'eau coulait à flots dans le lavabo de la cuisine. Sans se retourner, la jeune femme savait pertinemment qu'il se trouvait là à l'observer, comme à chaque fois qu'elle se mettait à faire des dizaines de cupcakes. Même si ses mains étaient bientôt congelées et que cela devait bien faire cinq bonnes minutes qu'elles étaient sous l'eau, Eadie persistait à les frotter. Comme si elle avait encore trouvé du chocolat. Son mari était posté derrière elle et la fixait d'un regard inquiet. Elle allait bien. C'était ce qu'elle essayait de lui faire comprendre depuis bientôt deux semaines. « Eadie, pose ce savon s'il te plaît. Tu continueras ta cuisine plus tard, on va manger un morceau... j'ai pris congé pour ça. » Sa voix de nature si imposante s'était faite toute petite, de peur de briser ce silence qui s'était installé depuis plusieurs jours dans leur maison, d'habitude si accueillante. « Je n'ai pas faim. » Glaciale, Eadie était méconnaissable, même si elle avait toujours été de nature inatteignable, son ton n'avait jamais été aussi tranchant. Envers son mari, qui plus est. Wayne ferma les yeux et se concentra pour contenir ses émotions. Quant à lui, jamais il n'avait été aussi calme et compréhensif. C'était sa femme, il l'aimait et était tout aussi perdu, mais il se devait de leur faire remonter la pente à tous les deux. Hésitant, il s'approcha tout de même jusqu'à elle et posa délicatement une main réconfortante sur son épaule. Eadie ferma les yeux et laissa tomber le savon au fond du lavabo. Une larme coula sur sa joue, s'efforçant de réprimer les sanglots qui l'envahissaient. « Mais il faut que je termine ces cupcakes... Mary vient les chercher à quinze heures... » Sa voix s'était adoucie, certainement parce que parler devenait tout autant pénible que de faire semblant que tout allait bien. Reniflant discrètement, elle tâcha de reprendre le savon pour tenter une nouvelle diversion. Mais Wayne n'avait pas l'intention de la laisser dans un tel état de surmenage. Resserrant sa main autour de son épaule fragile, il fit glisser l'autre délicatement jusqu'à atteindre sa main gelée. « On va y arriver, ne t'en fais pas. Laisse-moi t'aider... d'accord ? » Chuchota-t-il de sa voix rassurante au creux de son oreille. Doucement, celle-ci lâcha prise puis hocha maladroitement de la tête, comme une petite fille qu'on consolerait en lui proposant une succulente glace. Wayne l'aiderait à terminer ses pâtisseries certes. Mais lui tout autant que sa femme savaient pertinemment que ces mots avaient un double sens et rappelaient alors l'immense perte d'un être cher qu'ils avaient dû accepter il y a quelques temps. Il était temps de passer à autre chose avant qu'ils ne sombrent dans la tristesse. Il étreint sa femme chaleureusement avant de plonger son nez dans ses cheveux blonds. « On va y arriver, je te le promets. » Ses sanglots ne s'arrêteraient pas avant un long moment, mais il serait là pour lui redonner le sourire, comme à chaque fois. Bien qu'en cet instant, il doutait totalement de ses capacités et se tût, laissant alors comme seul fond sonore les pleurs de sa femme.

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I can't keep up with your turning tables
under your thumb, I can't breathe.
© by adele

« Mary, tu as pensé à la ganache ? » Le ton stricte de la patronne se fit entendre dans le long couloir menant aux cuisines. Mary savait pertinemment comment était son amie. Depuis qu'elle accepta de travailler pour elle, il y avait les relations au travail, puis le reste du temps, qui était totalement différent. Tout en empaquetant les dernières affaires, celle-ci jeta un oeil aux deux apprentis qui avaient l'air terrorisés par sa main de fer. Cette vision la fit sourire. « J'ai tout. ». Cria-t-elle à son tour, avant de se redresser et lâcher un soupir de soulagement. Mais pas le temps de souffler, voilà le bruit des talons menaçants de sa patronne qui se rapprochaient dangereusement. Par réflexe, les employés se redressèrent également, presque au garde à vous. « Bien. Alors ne traînons pas. » Les mains sur ses hanches, l'oreillette en place, Eadie passait de son téléphone aux employés, sans jamais vraiment savoir à qui elle s'adressait. Cela sentait le jour-J. Les affaires dans le camion, Mary et Eadie s'installèrent confortablement dans la Porshe avant de démarrer. Concentrée, les lunettes de soleil sur le nez, la jeune femme fixait la route comme si elle avait des œillères. Quant à Mary, elle scrutait son amie, se demandant comment pouvait-elle rester de marbre en toute situation, après tout ce qui s'était passé. Elles n'avaient plus discuté depuis longtemps, plus précisément depuis qu'elle quitta son mari pour partir à l'autre bout de la ville. La question lui brûlait les lèvres. « Tu es sûre que tout vas bien ? » Haussant les sourcils, Mary attendit que la fureur de sa patronne lui tombe dessus –comme à son habitude– mais le silence dura plusieurs minutes avant que celle-ci daigne répondre, calme. « Quoi ? » Eadie prit alors la même moue que son amie, sans quitter la route des yeux. Déglutissant péniblement, la belle ne se fit pas attendre pour allumer la radio avant qu'une question trop gênante vienne sur le tapis. Malheureusement pour elle, son amie de toujours était déterminée aujourd'hui. Ce n'est pas sans hésitation qu'elle continua, mais elle le fit tout de même. Elle savait pertinemment comment marchait Eadie. Un problème se pose, elle l'affronte ou le fuit sans piper un mot ni exprimer quoique ce soit. Comme si il s'agissait d'un simple malentendu. Mais un jour, ça allait ressortir, et tous les jours cette colère se reflétait sur son visage durcit. «...Tu sais très bien de quoi je veux parler Ed'. Tu ne peux pas continuer comme ça, c'est... malsain. » Eadie crispa davantage ses doigts autour du volant, avant de remettre ses cheveux derrière les épaules d'un geste désinvolte. Elle savait pertinemment qu'elle avait raison. Chaque jour elle repensait à sa fausse-couche, chaque jour elle s'imaginait la tête de son mari rentrant à la maison, se retrouvant face à une armoire vide et une simple lettre merdique. Mais elle ne pouvait plus, ne voulait plus voir cette maison, ni continuer de se battre avec son mari pour des futilités. Son travail lui avait permis de s'accrocher à quelque chose, de se concentrer sur autre chose. Son mari lui manquait, mais c'était trop tard. Elle avait agi comme une conne et c'était trop tard. Définitivement trop tard. Il fallait qu'elle serre les dents et accepte sa punition, en silence. « Tout va très bien Mary, ok ? » Se tournant enfin vers elle, Eadie lui adressa alors un sourire colossal sur lequel elle comptait en cas de coup dur comme celui-ci. Mary le savait très bien, mais elle n'insista pas davantage. Du moins pour l'instant... Après tout, elles avaient un grand mariage qui les attendait, et Eadie devait avoir toutes ses facultés pour accomplir le travail demandé. Elle aussi... pour la supporter.