(M) DANE - and time stopped moving.

I know I have a fickle heart and bitterness
and wandering eyes and a heaviness in my head.
© by adele

« Arrête de me fixer comme ça, tu veux ? » L'eau coulait à flots dans le lavabo de la cuisine. Sans se retourner, la jeune femme savait pertinemment qu'il se trouvait là à l'observer, comme à chaque fois qu'elle se mettait à faire des dizaines de cupcakes. Même si ses mains étaient bientôt congelées et que cela devait bien faire cinq bonnes minutes qu'elles étaient sous l'eau, Eadie persistait à les frotter. Comme si elle avait encore trouvé du chocolat. Son mari était posté derrière elle et la fixait d'un regard inquiet. Elle allait bien. C'était ce qu'elle essayait de lui faire comprendre depuis bientôt deux semaines. « Eadie, pose ce savon s'il te plaît. Tu continueras ta cuisine plus tard, on va manger un morceau... j'ai pris congé pour ça. » Sa voix de nature si imposante s'était faite toute petite, de peur de briser ce silence qui s'était installé depuis plusieurs jours dans leur maison, d'habitude si accueillante. « Je n'ai pas faim. » Glaciale, Eadie était méconnaissable, même si elle avait toujours été de nature inatteignable, son ton n'avait jamais été aussi tranchant. Envers son mari, qui plus est. Wayne ferma les yeux et se concentra pour contenir ses émotions. Quant à lui, jamais il n'avait été aussi calme et compréhensif. C'était sa femme, il l'aimait et était tout aussi perdu, mais il se devait de leur faire remonter la pente à tous les deux. Hésitant, il s'approcha tout de même jusqu'à elle et posa délicatement une main réconfortante sur son épaule. Eadie ferma les yeux et laissa tomber le savon au fond du lavabo. Une larme coula sur sa joue, s'efforçant de réprimer les sanglots qui l'envahissaient. « Mais il faut que je termine ces cupcakes... Mary vient les chercher à quinze heures... » Sa voix s'était adoucie, certainement parce que parler devenait tout autant pénible que de faire semblant que tout allait bien. Reniflant discrètement, elle tâcha de reprendre le savon pour tenter une nouvelle diversion. Mais Wayne n'avait pas l'intention de la laisser dans un tel état de surmenage. Resserrant sa main autour de son épaule fragile, il fit glisser l'autre délicatement jusqu'à atteindre sa main gelée. « On va y arriver, ne t'en fais pas. Laisse-moi t'aider... d'accord ? » Chuchota-t-il de sa voix rassurante au creux de son oreille. Doucement, celle-ci lâcha prise puis hocha maladroitement de la tête, comme une petite fille qu'on consolerait en lui proposant une succulente glace. Wayne l'aiderait à terminer ses pâtisseries certes. Mais lui tout autant que sa femme savaient pertinemment que ces mots avaient un double sens et rappelaient alors l'immense perte d'un être cher qu'ils avaient dû accepter il y a quelques temps. Il était temps de passer à autre chose avant qu'ils ne sombrent dans la tristesse. Il étreint sa femme chaleureusement avant de plonger son nez dans ses cheveux blonds. « On va y arriver, je te le promets. » Ses sanglots ne s'arrêteraient pas avant un long moment, mais il serait là pour lui redonner le sourire, comme à chaque fois. Bien qu'en cet instant, il doutait totalement de ses capacités et se tût, laissant alors comme seul fond sonore les pleurs de sa femme.